Savoir-habiter la Terre
“Face à l’aggravation et la multiplication des crises écologiques à l’échelle planétaire, les appels à des recherches ouvertes, entre disciplines et vis-à-vis du reste de la société, se sont multipliés (Kates, 2011). Sécheresses, feux de forêts, inondations, mais aussi contaminations des milieux, déséquilibres des cycles biogéochimiques et dépassements de plusieurs limites planétaires, sont autant de phénomènes nécessitant des collaborations inédites entre sciences de la Terre, du vivant, de la santé et sciences humaines et sociales, ainsi que de nouveaux concepts favorisant ces collaborations. Notion frontière, l’« habitabilité» vise à permettre un dialogue interdisciplinaire : ce concept renvoie aux limites physiques qui favorisent la vie et aux conditions politiques, sociales, économiques de reproduction du vivant (Blanc et al., 2022, p. 10). Il met en outre à l’épreuve les collaborations entre scientifiques et non scientifiques, habitant.e.s, militant.e.s ou acteur.rice.s public.que.s pour préserver l’habitabilité des milieux, et ce pour différentes espèces, dans un contexte de perturbation des équilibres planétaires.”
Habiter les Ruines
14h30-16h • Session thématique animée par Soraya Boudia et Maud Devès
La crise des écosystèmes et la vie dans les ruines ont été largement investiguées ces dernières décennies, à la fois par les sciences de la Terre & du vivant et par les sciences humaines & sociales. Dans cette lignée, cette session interroge les représentations de l’effondrement et les possibilités d’habiter des mondes ravagés par le capitalisme, le colonialisme et l’extractivisme. Toutes font intervenir des acteur∙rice∙s non-scientifiques confronté∙e∙s à des processus de transformation – parfois violents – de leurs milieux de vie.
Le projet Sensitroph’ est présenté à coté de deux autres :
« L’habitabilité en train de se faire : une enquête collective à Sevran »
par Clémence Seurat (éditrice, programmatrice artistique et membre associée du médialab de Sciences Po), Robin de Mourat (designer et chercheur au sein du laboratoire médialab à Sciences Po) & Thomas Tari (sociologue des sciences au médialab et responsable du centre d’exploration des controverses de Sciences Po.).
« Récupérer notre terre, récupérer notre identité : expérience de lutte en territoire Lavkenche. »
par Gicelle Milady Lepillan (infirmière et activiste mapuche environnementale, dirigente de la Corporacion Mapuche Nahuelbuta) et Mélanie Antin (doctorante en socio-anthropologie au LADYSS, Université de Paris Cité).
Le projet Sensitroph’
Le projet SENSITROPH (2020-2023) réunit des chercheur.es de différents horizons disciplinaires : écologies, systèmes complexes, géographies, géomatiques, ethnographies, esthétiques environnementales, anthropologies, des associations, des élus, des institutions, des artistes, des écoles afin d’appréhender d’un seul tenant et les attaches sensibles des populations humaines au monde de la mer et le fonctionnement des écosystèmes marins à partir de leur modélisation des réseaux trophiques.
En partant des imaginaires de la maritimité développés par différentes formes « d’habiter marin » nous avons cherché à comprendre comment l’altération des écosystèmes marins impact aussi nos imaginaires et perceptions des lieux.
Si les résultats de cette enquête sont riches, nous nous concentrons lors de cet exposé sur le croisement des résultats de l’enquête par questionnaire et ethnographique lors d’un workshop d’intelligence collective organisé afin de spéculer le futur de la Baie de Seine et nourrir la modélisation des réseaux trophiques. Un premier atelier d’écriture réalisé à partir d’un jeu de cartes sur les imaginaires nous projette sur différentes temporalités futures. Le second atelier explore par un travail d’attention dirigé la plage de Cosqueville dans le Cotentin avant de faire le récit de ses transformations.
Fort de cette expérience nous avons pu construire quatre scénarii futurs de l’évolution des systèmes trophiques à deux pas de temps 2050 et 2100. Les principaux facteurs anthropiques pris en compte étaient les changements climatiques – scénarios du GIECC, les données d’aménagement de la mer via le développement des parcs éoliens en mer, les spatialités des zones de pêches (conflictuelles depuis le Brexit) et celles de protections environnementales et enfin l’impact sonore du trafic maritime.
Enfin, dans l’optique d’une diffusion de la recherche, de création de nouveaux récits deux actions sont en cours de finalisation dont un atelier Arts-Sciences Devenir Écosystème – Incorporer et incarner les savoirs écologiques. Il propose de plonger dans l’expérience sensorielle du « devenir-animal » jusqu’au « devenir-écosystème » collectif. Il s’agit, de re-créer tout un écosystème marin qui se meut ensemble avec des animaux qui se cachent, qui chassent, qui décomposent la matière, qui filtrent les particules ou encore qui plongent depuis les airs pour aller pêcher. Présenté lors du colloque d’écologie et d’évolution la SFE2 au Centre Pompidou de Metz, il a également fait l’objet d’une adaptation pédagogique pour rencontrer 6 classes de primaires de Dives-sur-Mer (fev 2023) et de Montpellier (second semestre 2023) .
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Joanne Clavel (22 juin 2023). Savoir habiter la Terre, depuis la mer. Sensitroph' Consulté le 13 septembre 2024 à l’adresse https://sensitroph.hypotheses.org/368