L’enquête qualitative
“L’eau est notre histoire “organique” à tous, histoire qui parfois refait surface dans le lyrisme des poètes, dans les ballades des chanteurs et dans le bon sens des gens ordinaires. Elle est dans le visage de ces vieux qui continuent inlassablement à rendre hommage au fleuve. Elle était dans les yeux de ce vieux pêcheur que je voyais, enfant, arriver toutes les fins de semaines pour vendre du poisson à mes parents et qui, chaque fois, avant de partir, disait : “adman am vaghi angà” (demain je me noierai). Je n’étais qu’un enfant et nous pensions tous qu’il plaisantait, mais un matin – lui qui connaissait le fleuve point par point -, il mit la barque à l’eau et ne revint plus. (…). L’esturgeon ne remonte plus le courant, l’eau trouble et malodorante cache des molécules étrangères au processus de la nature, de longues parties de la rive sont désormais silencieuses, bétonnées. (…) De même que les bassins fluviaux naturels, ceux de notre conscience sont désormais presque entièrement apprivoisés – réduits à des chenaux uniformes au travers desquels le message est toujours le même (…)”.
Giuseppe Moretti, « Bassins fluviaux de la conscience », 1996
Paysan italien, auteur et fervent défenseur du “biorégionalisme”, Giuseppe Moretti nous invite dans son écrit “Les bassins fluviaux de la conscience” à un travail de restauration des “méandres sauvages” de notre conscience. Des ruisseaux des montagnes, aux torrents et fleuves qui creusent les vallées alluviales et alimentent la communauté des vivants jusqu’à la mer- les bassins fluviaux dessinent les mailles d’un réseau de relations, de pratiques, d’expériences, d’intimités et d’ imaginaires. C’est sur la piste de cette approche sensible des lieux et de leurs habitants que l’enquête ethnographique du projet SENSITROPH s’inscrit. À travers des entretiens réalisés auprès d’habitants et visiteurs du rivage de la Baie de Seine, par la géographe Clara Breteau, une fenêtre s’ouvre sur les attaches sensibles aux différentes composantes de la mer à l’heure de l’effondrement des écosystèmes marins. Amateurs de pêche à pied, marins-pêcheurs, navigateurs, ostréiculteurs, amoureux des tempêtes, touristes, sportifs, peintres, habitant(e)s de toujours ou nouveaux arrivants, racontent leur expérience du rivage…
Autrice du billet : Clara Chavanon
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Joanne Clavel (4 janvier 2022). Approche sensible des lieux. Sensitroph' Consulté le 14 octobre 2024 à l’adresse https://sensitroph.hypotheses.org/120